Monday, 28 November 2022

Préparez le chemin du Seigneur

« Se convertir c’est se détourné de soi-même pour se tourner vers Dieu. » De toutes les définitions de la conversion que j’ai lues, celle-ci est, pour moi, la plus parlante. Elle est de Wilfrid Stinissen, un carme suédois. 

En lisant cette définition, je me suis souvenu d’une réflexion que j’avais écrite il y a quelques années pendant l’Avent. Je vous la partage ici.

 

« Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! » -- Isaïe 40,3

Les montagnes, les ravins et les chemins tortueux dans ma vie, je les construis depuis presque 70 ans. Mes montagnes sont devenues très hautes, mes ravins très creux et mes chemins vraiment croches !  Je suis parfois douloureusement conscient de ces obstacles à la venue du Seigneur en moi. Toutefois, je parcours ce paysage depuis si longtemps qu’il m’est devenu familier. J’en connais tous les recoins et tous les points de repère. Ceux-ci m’aident à me définir, à délimiter mon identité. Je qualifie certains d’entre eux comme étant positifs :  j’ai tels talents, tels connaissances, telles expériences vécues; je peux faire telles choses; j’ai telles relations, tels acquis, tels rôles. Il y en a d’autres que je qualifie de négatifs: j’ai telles faiblesses, telles limites, telles peurs, tels défauts, telles obsessions… Mais tous, les points de repère négatifs comme ceux qui me semblent être positifs, servent à délimiter qui je suis… et qui je ne suis pas. J’ai ainsi déjà fait, souvent inconsciemment, un travail d’arpenteur. Ce qu’Isaïe entrevoie avec son œil de prophète balaierait complètement ce paysage familier et tous ces points de repères. Le travail d’arpentage serait à refaire. 

Les points de références qui délimitent les frontières de mon petit univers ont certainement des avantages. Je sais ce qui est à moi, ce qui m’appartient. Du moins, je crois le savoir. Mais ces frontières ont aussi de sérieux désavantages. Elles sont vulnérables, toujours à affirmer avec vigilance et à défendre avec force si nécessaire. Je constate que quand les événements ou des personnes viennent contester mes frontières, je deviens facilement défensif et même agressif à l’occasion. Il n’y a pas que monsieur Trump qui veut ériger des murs à ses frontières. Je le fais aussi. Des murs qui me permettent de défendre mon identité, mais qui m’enferme sur moi-même et m’isole des autres.

La seule façon de ne plus avoir de frontières qui font obstacles à l’action de l’Esprit est de n’avoir qu’un seul point de repère, un seul centre qui englobe tout et n’exclut donc rien. Il n’y aurait alors plus rien à conquérir pour se créer une identité, plus rien à défendre puisque tout serait déjà et pour toujours inclus dans ce centre. J’ai l’impression qu’il y avait un peu de cela dans la réponse du père au fils ainé dans la parabole de l’enfant prodigue : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. » Le seul centre qui existe qui inclus tout et n’exclus donc rien est Dieu. Il faut que Dieu soit le seul point de repère.

Saint Paul avait parcouru ce chemin de conversion: il avait trouvé son centre en Dieu. C’est ce qui lui permettait de dire, « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Galates 2,20 

Je crois que « entrer dans le royaume de Dieu » c’est « pénétrer » ou « se laisser pénétrer » par ce centre et là entendre le Père dire, "Tu es mon fils, ma fille bien-aimée en qui je mets toute ma joie."