Friday, 26 November 2021

"Mettez lui le plus beau vêtement"

Quand on croise quelqu’un qui a une forte odeur de transpiration on a instinctivement un mouvement de recul. Devant des situations de scandale, il est aussi normal de faire de même, surtout quand le scandale nous touche de prêt. « Cela pu à plein nez! » C’est une des expressions qu’on emploie pour décrire des situations scandaleuses. D’instinct, on cherche à se distancier des personnes qui sont impliquées dans ces scandales, qu’elles en soient directement responsables ou non. Dans cette prise de distance, nous sommes tentés de pointer l’autre du doigt et de penser ou même de le dire ouvertement, « Je ne suis pas comme toi. »

La nuit dernière, je pensais aux scandales qui éclatent l’un après l’autre depuis des années dans l’Église Catholique canadienne et du mouvement de recul que je ressens parfois face à ceux-ci. Ces scandales m’éclaboussent et j’ai l’impression de sentir mauvais moi aussi simplement parce que je suis catholique. Je vois ce mouvement de recul aussi chez mes amis et je comprends pourquoi certains sont tentés de prendre leur distance et même de couper les liens.

En réfléchissant à tout ceci aux petites heures du matin, c’est le texte de l’enfant prodigue qui m’est revenue en mémoire. Je pensais au fils cadet qui revenait chez lui. Il portait des vêtements qui, sans doute, sentaient à plein nez la porcherie. Je voyais le père le prendre dans ses bras et l’embrasser sans la moindre hésitation. Quand, ensuite, il instruit les serviteurs d’apporter le plus beau vêtement, ce n’est pas parce que les haillons que portent son fils le dégoûte, mais uniquement parce qu’il veut le revêtir de son amour.

J’ai aussi revu le fils ainé qui, la parabole nous dit, rentrait des champs. Son mouvement de recul, sa colère et son refus d’entrer dans la maison était bien compréhensible. Pourtant, après une longue journée de travail avec le troupeau, lui non plus ne devait pas sentir les roses. Lui aussi avait besoin de l’étreinte et du baiser du père. Lui aussi avait besoin d’être revêtu du plus beau vêtement, celui de la miséricorde.

Mon frère est pécheur comme moi je le suis aussi et je vis dans une église de pécheurs. Ce n’est pas en la fuyant que je mettrai une distance entre moi et le scandale du péché. C’est en mettant mon bras autour du cou de mon frère et en me laissant avec lui embrasser par le Père que je serai avec lui revêtu de son Amour.

Wednesday, 24 November 2021

Loups déguisés en brebis

Quand j’avais quatre ou cinq ans mes frères et moi avons été placé en pension pendant quelques mois. Un incident pendant cette période est resté graver dans ma mémoire. Je me revois dans une grande salle, un de ces vieux gymnase avec, au fond, une plateforme de scène. La salle était remplie d’hommes que je ne connaissais pas. Ils faisaient tous face à la scène sur laquelle se tenait un homme qui tirait d’un grand sac des cadeaux pour les enfants qui, l’un après l’autre, montaient sur scène pour les recevoir quand ce monsieur « père Noël » les appelait au micro. Quand j’ai entendu mon nom et qu’une main m’a poussé vers l’estrade, j’était surpris. Je me demandais comment ces étrangers pouvaient connaitre mon nom. Je suis monté timidement sur scène et me suis dirigé vers le « père Noël » qui m’a remis un camion de pompier tout neuf. Ce n’est pas ce « cadeau » que je revois quand le souvenir de cet événement remonte à la surface, c’est le regard de cet homme. Au lieu du sourire qui m’aurait réconforté, je pouvais y voir autre chose : de la pitié.

En revoyant cette scène dernièrement, je me demandais pourquoi ce regard m’avait tellement marqué. Je pense avoir finalement compris. Cet homme ne me regardait pas. Il ne voyait que l’objet de sa pitié. Le « cadeau » qu’il m’offrait n’était pas un signe d’amour pour moi, mais une manifestation de sa « générosité ». Ce regard qui faisait de moi un objet de sa condescendance contenait autant de violence que s’il m’avait heurté de toutes ses forces avec son poing.

Il y a des façons d’offrir de l’aide aux autres, de faire la charité, de se dévouer pour une cause ou de se mettre au service de quelqu’un qui ne sont en réalité qu’une violence déguisée en bonté.

Je n'écris pas ceci pour pointer du doigt. Si je fais des autres l'objet de ma condamnation, je tombe dans le même piège et mon regard devient aussi violence. J'écris ceci pour mettre mon propre coeur en garde contre cette violence. 

Wednesday, 17 November 2021

Écouter en profondeur

Un journaliste : « Quand vous priez, que demandez-vous à Dieu? »

Mère Teresa de Calcutta : « Je ne parle pas, j’écoute. »

Le journaliste : « Et qu’est-ce que Dieu vous dit quand vous priez? »

Mère Teresa : « Il ne parle pas, il écoute aussi. »

Mon frère François ne parle plus depuis des années. Avec lui, les mots sont inutiles parce qu’il n’en a plus à m’offrir et que les miens ne le rejoignent plus. Sa démence nous a dépouillé tous les deux des moyens que nous avions auparavant pour communiquer. Et pourtant, je sens que le lien qui existe entre nous est plus profond qu’il ne l’a jamais été. Je suis de plus en plus capable de l’accueillir tel qu’il est sans attendre autre chose de lui que d’être le frère que j’aime.

Ce que cela m’a permis de comprendre, c’est qu’une vraie communication avec une autre personne commence bien avant les mots et avant les gestes. Pour écouter, il ne suffit pas de se taire, il faut entrer en communion avec ce qui existe avant tout ce qui parait en surface. Écouter c’est entrouvrir la porte à cette profondeur qui se trouve en l’autre et en moi-même et c’est attendre patiemment et avec le plus grand des respects que la rencontre s'y produise. Le silence n’est pas absence de communication, mais condition pour que celle-ci se produise et qu'elle soit authentique. 

Monday, 15 November 2021

Manquer de respect... en deux langues

La semaine dernière, j’ai reçu la troisième dose du vaccin contre la COVID-19 mercredi et le vaccin contre la grippe vendredi. Pour le premier, j’étais seul. Diane était avec moi pour le second.

Quand je me suis présenté au centre de vaccination mercredi, la personne à la réception m’a accueilli en anglais seulement mais m’a demandé si je voulais faire l’enregistrement en anglais ou en français. J’ai évidemment opté pour le français. Une fois l’enregistrement complété, on m’a dirigé vers un jeune homme qui avait la tâche de m’assigner la personne qui injecterait le vaccin. Le jeune homme m’a demandé non pas en quelle langue je préférais être servi, mais si cela me dérangerait d’être servi en anglais parce qu’il n’y avait pas beaucoup de personnel francophone. Comme d’habitude dans ce genre de situation, j’ai ressenti une légère impatience en entendant sa question. Le jeune homme était anglophone et se débrouillait avec difficulté en français. J’ai résisté à la tentation de lui dire, « Et toi, comment te sentirais-tu si on te demandait si tu voulais être servi en français dans un service qui, légalement, devrait être offert dans les deux langues. Ne comprends-tu pas le manque de respect sous-jacent à ta question. » J’ai hésité en sachant que si j’insistais pour le français, je risquais d’attendre plus longtemps. J’ai tout de même dit que, si c’était possible, je préférerais pouvoir faire la démarche en français. Heureusement, une infirmière francophone était disponible immédiatement.

Vendredi, Diane et moi nous sommes présentés ensemble au même endroit pour recevoir le vaccin contre la grippe. Cette fois, la personne à la réception ne parlait pas du tout français mais nous a tout de même demandé notre préférence quant à langue dans laquelle nous voulions être servis. Notre réponse nous a mérité une attente de quelques minutes. Ensuite, il y avait un document à remplir qui, d’après la personne qui nous l’a remis, n’existait qu’en anglais. Quand Diane a insisté pour qu’on lui trouve une version française, une des personnes à l’accueil est allé vérifier ailleurs et, quelques minutes plus tard, est revenue avec le formulaire en français. Une fois celui-ci rempli, nous nous sommes dirigés vers l’étape suivante. Une autre personne unilingue anglophone nous attendait et nous a dit que nous risquions une attente assez longue parce que l’infirmière (une seule?) qui parlait français était très occupée. Au bout d’une minute, on nous a dit qu’un des médecins disponibles se « débrouillait » en français et que son assistante parlait le français. À notre grande surprise, le médecin en question était notre médecin de famille, celui que nous consultons depuis plus de vingt ans. Nous ne savions pas qu’il parlait français. Il nous a adressé la parole dans un français hésitant, mais relativement bon. Il nous a expliqué qu’il avait fait toutes ses études en français, et qu’à son arrivée à Ottawa il avait travaillé dans un centre médical francophone. Toutefois, ses confrères de travail, en détectant son léger accent anglais, lui adressait automatiquement la parole en anglais. Il a vite perdu le français qu’il avait acquis en faisant ses études.

Quelle tristesse de constater que le « manque de respect » que j’ai ressenti mercredi dernier n’émane pas uniquement des anglophones qui ne comprennent pas l’importance de pouvoir s’adresser dans sa propre langue, mais est aussi celui de francophones qui, comme moi je le fais malheureusement parfois, ne respectent pas toujours les efforts honnêtes d’anglophones pour communiquer avec nous dans notre langue.

Sunday, 14 November 2021

What are the odds?

I have never bought a lottery ticket, not even one. I am not a gambling man. I would buy the occasional raffle tickets when a student or a friend approached me to do so, but I did so not because I hoped to win, but because I wanted to contribute to their hockey team or whatever charitable cause they were promoting. When I did that, I would always read the list of prizes to be won on the ticket and jokingly say, “This is the prize I want, and I want you to deliver it to me on the day of the draw!” No prize ever came, and I did not expect one to materialize either.

I have been extremely busy since the end of August and, toward the end of October, the pace was starting to feel a bit overwhelming, so much so that I remember praying to God, “This is too much Lord, I can’t keep on doing this!’ Even though things have slowed down this month, I still had 8 scheduled appointments this past week. Four of these were primarily to take care of my personal needs and four were aimed at taking care of other people’s needs. Strangely enough, every single one of the latter, and only these, were canceled, not by me, but by the people I was to meet. What are the odds of that happening? The question popped into my mind, and I could not resist checking on the Internet to see if I could find an answer. Turns out that the odds are 1 in 256. Coincidence? Possibly. I prefer to think that God was answering my prayer and saying, “It’s OK to take care of yourself once in a while.”

I am not a gambling man. The odds of God wanting what is best for me because He loves me are 100%. I like those odds!

Tuesday, 9 November 2021

Le regard de Jésus

La solitude et la souffrance ont le don de trouver des déguisements ingénus et de se faufiler dans les contenances les plus variées. Qu’est-ce qui se cache derrière la timidité de l’un, l’activité frénétique d’un autre, le besoin d’attention et de réussite de plusieurs? Quels désirs crucifiés et enterrés gisent sous ces cœurs endurcis, ces esprits cyniques ou méfiants, ces regards remplis de haine et de violence. Quelles hantises habitent nos tentatives de fuite dans des divertissements abrutissants, des stupéfiants de toutes sortes et l’émiettement de nos jours et de nos énergies.

Le regard de Jésus savait percer ces déguisements. Au jeune homme riche qui désirait toujours plus, jusqu’à tenter d’acquérir le royaume à coup de vertu, il lui dit de tout vendre, y inclus ses bonnes actions, pour devenir un disciple qui n’a pas d’autre richesse que son maître. À Nicodème en quête de sagesse dans sa nuit obscure, il propose non pas une tête remplie de connaissances, mais un cœur qui naît de nouveau et qui se met à battre en unisson avec le sien au rythme de l’Esprit. À la Samaritaine qui n’en finissait plus de chercher à altérer sa soif d’être aimé, il révèle une soif beaucoup plus profonde et la seule Source qui puisse la combler. Au brigand qui n’attendait plus que la mort pour fuir les regards accusateurs et les remords d’une vie perdue, Jésus entrouvre la porte qui mène au Paradis, celui que le condamné avait vainement cherché à arracher avec violence toute sa vie à ses victimes sur les routes de la Judée.

Seigneur Jésus, donne-moi ton regard qui démasque tous les visages et permet de voir la beauté qui se cache au fond des cœurs de toutes les personnes que je croise sur mon chemin.

Saturday, 6 November 2021

Illusion optique

Je me dirigeais vers la porte qui mène du couloir intérieur au garage dans notre édifice à condo l’autre jour quand la porte s’est ouverte et un résident est entré. Je voyais dans ses yeux et dans son petit mouvement de recul que je l’avais surpris et qu’il se sentait inconfortable. Il s’est empressé de m’expliquer qu’il avait perdu son masque et de s’excuser de ne pas en porter. Je n’avais même pas remarqué qu’il ne portait pas le masque réglementaire.

Cet homme était tellement préoccupé par la perte de son masque et du « délit » bien accidentel qu’il commettait en entrant dans l’édifice à découvert, qu’il a vu dans mon regard une accusation quand il n’y en avait pas du tout. Son malaise avait coloré et faussé sa perception de la réalité. Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander combien souvent je faisais cela moi aussi.