Wednesday, 24 November 2021

Loups déguisés en brebis

Quand j’avais quatre ou cinq ans mes frères et moi avons été placé en pension pendant quelques mois. Un incident pendant cette période est resté graver dans ma mémoire. Je me revois dans une grande salle, un de ces vieux gymnase avec, au fond, une plateforme de scène. La salle était remplie d’hommes que je ne connaissais pas. Ils faisaient tous face à la scène sur laquelle se tenait un homme qui tirait d’un grand sac des cadeaux pour les enfants qui, l’un après l’autre, montaient sur scène pour les recevoir quand ce monsieur « père Noël » les appelait au micro. Quand j’ai entendu mon nom et qu’une main m’a poussé vers l’estrade, j’était surpris. Je me demandais comment ces étrangers pouvaient connaitre mon nom. Je suis monté timidement sur scène et me suis dirigé vers le « père Noël » qui m’a remis un camion de pompier tout neuf. Ce n’est pas ce « cadeau » que je revois quand le souvenir de cet événement remonte à la surface, c’est le regard de cet homme. Au lieu du sourire qui m’aurait réconforté, je pouvais y voir autre chose : de la pitié.

En revoyant cette scène dernièrement, je me demandais pourquoi ce regard m’avait tellement marqué. Je pense avoir finalement compris. Cet homme ne me regardait pas. Il ne voyait que l’objet de sa pitié. Le « cadeau » qu’il m’offrait n’était pas un signe d’amour pour moi, mais une manifestation de sa « générosité ». Ce regard qui faisait de moi un objet de sa condescendance contenait autant de violence que s’il m’avait heurté de toutes ses forces avec son poing.

Il y a des façons d’offrir de l’aide aux autres, de faire la charité, de se dévouer pour une cause ou de se mettre au service de quelqu’un qui ne sont en réalité qu’une violence déguisée en bonté.

Je n'écris pas ceci pour pointer du doigt. Si je fais des autres l'objet de ma condamnation, je tombe dans le même piège et mon regard devient aussi violence. J'écris ceci pour mettre mon propre coeur en garde contre cette violence. 

No comments:

Post a Comment