Quand j’avais quatre ou cinq ans mes frères
et moi avons été placé en pension pendant quelques mois. Un incident pendant
cette période est resté graver dans ma mémoire. Je me revois dans une grande
salle, un de ces vieux gymnase avec, au fond, une plateforme de scène. La salle
était remplie d’hommes que je ne connaissais pas. Ils faisaient tous face à la scène
sur laquelle se tenait un homme qui tirait d’un grand sac des cadeaux pour les
enfants qui, l’un après l’autre, montaient sur scène pour les recevoir quand ce
monsieur « père Noël » les appelait au micro. Quand j’ai entendu mon
nom et qu’une main m’a poussé vers l’estrade, j’était surpris. Je me demandais
comment ces étrangers pouvaient connaitre mon nom. Je suis monté timidement sur
scène et me suis dirigé vers le « père Noël » qui m’a remis un camion
de pompier tout neuf. Ce n’est pas ce « cadeau » que je revois quand
le souvenir de cet événement remonte à la surface, c’est le regard de cet homme.
Au lieu du sourire qui m’aurait réconforté, je pouvais y voir autre chose :
de la pitié.
En revoyant cette scène dernièrement, je me
demandais pourquoi ce regard m’avait tellement marqué. Je pense avoir finalement
compris. Cet homme ne me regardait pas. Il ne voyait que l’objet de sa pitié.
Le « cadeau » qu’il m’offrait n’était pas un signe d’amour pour moi,
mais une manifestation de sa « générosité ». Ce regard qui faisait de
moi un objet de sa condescendance contenait autant de violence que s’il m’avait
heurté de toutes ses forces avec son poing.
Il y a des façons d’offrir de l’aide aux
autres, de faire la charité, de se dévouer pour une cause ou de se mettre au
service de quelqu’un qui ne sont en réalité qu’une violence déguisée en bonté.
Je n'écris pas ceci pour pointer du doigt. Si je fais des autres l'objet de ma condamnation, je tombe dans le même piège et mon regard devient aussi violence. J'écris ceci pour mettre mon propre coeur en garde contre cette violence.
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