Un jour qu’il était en train de jouer dans la
cour arrière, je l’ai entendu crier avec tant de force que j’étais convaincu
que c’était un cri de détresse. Sans hésitation je suis sorti de chez moi à
toute allure pour lui venir en aide. Quand je l’ai vu, je lui ai demandé s’il s’était
fait mal. Sa mère qui, évidemment, le connaissait beaucoup mieux que moi m’a répondu,
« Il n’y a pas de problème. Il est tout simplement frustré. »
Devant la souffrance d’un autre, il est
normal d’instinctivement vouloir agir, venir en aide, soulager et consoler.
Cela est un réflexe qui est inscrit profondément en nous. Mais que faire quand
nous constatons que nous sommes impuissants à changer les choses?
Il y a plus de trente ans j’étais bénévole
pour le service de pastorale d’un centre de soins de longue durée. Je rendais
visite aux résidents. Lors d’une de ces visites j’ai vu une personne avec qui
j’avais travaillé quelques années auparavant. Nous avions été amis mais je ne
l’avais pas revue et je n’avais pas eu des nouvelles d’elle depuis un bout de
temps. Elle était émaciée. Ses bras, ses jambes et ses mains étaient tordus de
façon grotesque (je sais que le mot est fort, mais c’est le mot qui décrit le
mieux ma perception initiale). Je l’ai visité à plusieurs reprises dans les
mois qui ont suivi. Je ne me suis jamais senti si impuissant dans une
situation. Je me sentais mal quand je la voyais parce que je ne savais pas
comment réagir et je me sentais coupable de ne pas savoir comment lui être plus
présent. Je me souviens même d’avoir ressenti de la colère face à elle,
non pas parce qu’elle l’avait provoquée, mais parce que sa condition mettait en
évidence mon impuissance et je n’arrivais pas à accepter celle-ci. Malgré mon
désir d’être là pour mon amie et de soulager sa souffrance, mon sentiment d’impuissance
dressait parfois un mur entre moi et elle.
Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai
compris que mon impuissance devant des situations difficiles pouvait prendre un
tout autre visage. Depuis quelques années, je prends de plus en plus conscience
que je peux donner mon impuissance à Dieu et que c’est un cadeau qu’il accepte
avec joie. Cela me libère et me permet d’accueillir plus pleinement la personne
qui est devant moi telle qu’elle est et avec tout ce qu’elle vit. Cela me
permet aussi de laisser Dieu agir là ou moi je ne peux pas en sachant que la
puissance de Dieu se déploie dans ma faiblesse (2 Corinthiens 12,5).
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