Sunday, 8 November 2020

Abba, Père

Il y a une expression anglaise que je trouve vraiment bizarre: "A self-made man." Ce que nous sommes, nous le recevons sans cesse des autres et de Dieu. J'ai écrit une petite capsule sur cela il y a quelques années. Je vous la partage ce matin.

Geneviève avait 15 mois quand j’ai pleinement pris conscience du fait que j’étais papa. Nous étions à Wakefield chez mes parents une belle journée d’automne. Je revois encore les feuilles d’érables qui étaient de toutes les teintes de rouge et d’or et les champs de foins jaunies par le soleil d’été. Un soleil radieux dans un ciel tout bleu complétait ce portrait. J’ai encore des photos prises cette journée-là. Dans l’une d’elle Geneviève est seule, assise sur la petite galerie à l’arrière de la maison. Elle porte une salopette rouge et une feuille d’érable dans ses cheveux. Dans une autre photo, Geneviève est sur mes épaules dans un grand champ. Cette photo date de plus de 40 ans, mais mon corps et mon cœur se souviennent encore de cette petite fille qui se laissait trimbaler sur mes épaules avec une confiance absolue en son papa.

Cette journée-là j’ai compris que cette petite fille me faisait cadeau de ma paternité. J’étais père et je sentais que cela était un don gratuit et merveilleux qui m’était offert. Par l’existence de cet enfant, par sa simple présence dans ma vie, elle me donnait d’être ce que je n’aurais jamais pu être autrement : un papa.
En 1982, la première année de notre séjour à Kelowna, j’étais enseignant à mi-temps dans une école catholique anglophone. Mes deux filles étaient inscrites à la même école. Occasionnellement, quand un autre enseignant devait s’absenter pour une demi-journée, c’est moi qui faisais la suppléance. C’est ce qui m’a emmené à remplacer pour une après-midi une des enseignantes de première année. Sa classe était celle dans laquelle se trouvait ma fille Marie-Claude.

Comme le voulait la politique dans notre école, je me suis présenté aux élèves en leur disant que j’étais « Mister Côté. » Pendant que je me présentais à la classe, ma fille me fixait d’un regard intense – celui qu’elle avait toujours quand elle cherchait à démêler quelque chose dans sa petite tête. Le point d’interrogation dans son visage est toutefois vite disparu et, avec les autres élèves, elle s’est mise à la tâche qui leur était assignée. C’est à ce moment que j’ai entendu Marie-Claude m’appeler, « Papa, viens ici. J’ai besoin d’aide. » J’ai alors compris ce qui mijotait dans la tête de ma petite fille pendant que je me présentais : elle me regardait en se disant, « Cet homme n’est pas « Mister Côté ». Je le connais. C’est mon papa, même s’il essaie de me faire croire autrement ! »

Je suis le papa de Geneviève et de Marie-Claude. C’est le cadeau qu’elles me font tout simplement parce qu’elles sont là. Cette réalité est maintenant pour moi une évidence. Mais elle demeure toutefois un mystère qui me donne un peu le vertige parce que c’est une réalité tellement grande que je ne vois pas comment elle pourrait un jour cesser de m’émerveiller.
Je sens qu’il y a quelque chose de ce mystère dans ce qu’écrit Saint Paul dans sa lettre aux Galates : « Fils, vous l’êtes bien : Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba – Père ! Tu n’es donc plus esclave, mais fils : et, comme fils, tu es aussi héritier : c’est l’œuvre de Dieu. » (Ga 4, 6) En Jésus et par la puissance de son Esprit qui vit en moi, je suis réellement fils du Père. Cela aussi est un cadeau gratuitement donné. Ce n’est pas quelque chose que j’ai mérité de quelque façon que ce soit. Je suis fils tout simplement parce que Dieu est mon "Abba" - mon Papa.

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