J’avais 14 ou 15 ans quand je me suis enrôlé dans les cadets de l’armée au manège militaire de Hull. Ma seule motivation était les cinq dollars de paie que je recevais à chaque fois que j’assistais à une cession de formation. Je n’y suis resté que quelques semaines. C’était un univers cauchemardesque pour le jeune homme timide et excessivement sensible que j’étais à cette période de ma vie.
Je me souviens, entre autres, des cours théoriques et pratiques sur le tir à la carabine. Parce que j’avais manqué les cours précédents, je ne comprenais absolument pas ce dont on parlait dans le cours théorique. Il s’agissait de calculer la trajectoire d’un projectile en tenant compte de facteurs tels que la distance à parcourir et la vélocité et la direction du vent. Le cours pratique a été encore plus traumatique pour moi. Je n’avais jamais touché à une carabine de ma vie et on m’a demandé d’en démonter, nettoyer et remonter une. Il s’agissait de le faire aussi rapidement que possible. Dans mon désir de bien performer, je l’ai fait très vite et, pour quelques secondes, j’étais fier de voir que j’avais complété la tâche avant les autres. Ce sentiment s’est rapidement évaporé quand l’instructeur m’a fait remarquer qu’il restait une pièce de ma carabine sur la table. Je n’avais aucune idée où celle-ci appartenait.
L’exercice de tir à l’horaire la semaine suivante m’a finalement convaincu que je n’étais pas à ma place dans les cadets. On m’a installé sur un champ de tir avec une carabine chargée à une bonne distance d’une série de cibles. D’autres cadets étaient aussi alignés devant celles-ci à ma droite et à ma gauche. Je n’avais jamais tiré une arme à feu auparavant. Je ne savais même pas laquelle des cibles était la mienne et j’étais trop intimidé par l’instructeur pour poser des questions. J’ai donc simplement déchargé ma carabine dans la direction générale des cibles. Aucunes de mes cartouches n’a atteint la cible qui m’avait été assignée. Il se peut très bien toutefois que j’aie atteint la cible d’un de mes voisins.
C’est une méditation sur le péché qui a provoqué cette
remontée d’anciens souvenirs. Le péché est une tentative de combler un désir
profond, mais cette tentative manque la cible. Le désir, à sa source, n’est pas
mauvais. Il ne devient mauvais que quand on prend des moyens tous croches ou
quand on vise la mauvaise cible pour le combler. Il me semble donc que, au lieu
de garder les yeux fixés sur le péché qui est en moi, ce que j’ai à faire c’est
de remonter à la source du grand désir qui m’habite et de voir de plus en plus
clairement la seule cible qui peut le combler. Il ne s’agit donc pas de
chercher à étouffer ce désir, mais à l’honorer dans ce qu’il a de sacré.
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