Tuesday, 3 November 2020

Têtes chauves


Je suis chauve depuis bien des années. À trente ans ma tête était déjà aussi dénudée qu’elle l’est maintenant. Au début, cela me mettait mal à l’aise et j’essayais de cacher ma calvitie en rabattant une mèche du côté sur la partie dégarnie du dessus. Même après avoir abandonné ces tentatives vaines de dissimuler ce qui était bien trop évident, je n’arrivais pas entièrement à me réconcilier avec mon manque de chevelure. C’est un petit incident cocasse qui a changé cela à jamais.

J’enseignais dans une école élémentaire. Une de mes responsabilités était de superviser les enfants pendant la récréation. Un jour où j’accomplissais cette tâche, une fillette de quatre ou cinq ans m’a fait signe. Je croyais qu’elle désirait me parler. J’ai donc plié les genoux et je me suis penché vers elle pour être à sa hauteur et entendre ce qu’elle avait à me dire. J’ai alors senti une petite main revêtue d’une mitaine en laine se poser sur ma tête et, délicatement, se mettre à la polir pour quelques secondes. Satisfaite, ma jeune amie est ensuite aller rejoindre ses compagnes pour jouer. Moi, je suis resté planter là avec une joie immense qui débordait de mon cœur et une envie de rire aux éclats.
Depuis ce temps, je ne peux pas penser à ma tête chauve sans me souvenir de ce geste d’une petite fille intriguée par ce qu’elle percevait. Il ne m’est plus possible de voir un manque là où une enfant ne voyait qu’une merveille à examiner et à toucher ! Ce jour-là, j’ai perdu mon regard d’adulte sur ma calvitie et je l’ai échangé pour le regard émerveillé d’un enfant.
Le souvenir de cet incident m’interpelle encore aujourd’hui et fait naître en moi une question : Et si le regard de Dieu sur mes fragilités, mes limites et mes péchés étaient semblables à celui d’une fillette porteuse de mitaine ? Se pourrait-il que ma pauvreté soit l’occasion pour Dieu de me faire signe, de m’inviter à plier les genoux, à me faire petit comme un enfant pour le laisser me toucher avec délicatesse et amour ? Quelle merveille et quelle source de joie serait alors cette pauvreté !

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