Friday, 27 November 2020

La meilleure façon de vaincre un "ennemi"

Le quartier dans lequel j’ai habité entre l’âge de cinq ans et seize ans était un quartier très pauvre.

Nous étions neuf dans notre petit bungalow qui n’avait que deux chambres à coucher dont l’une était si petite qu’il n’y avait de la place que pour un lit superposé et un petit bureau. Le salon, la salle à dîner et le solarium servaient donc tous de chambres à coucher pour les enfants. Les devoirs se faisaient sur un coin de table dans la cuisine au milieu de tout le va et vient de la maisonnée. Été comme hiver, nous passions notre temps à l’extérieur de la maison autant que possible. Le tout petit terrain de notre propriété, les quatre rues du quartier, les champs de fermes environnants et la forêt au-delà de ceux-ci constituaient notre grand terrain de jeu. 

Je ne savais pas que nous étions « pauvres ». Nos voisins d’à côté vivaient dans un ancien poulailler converti en logis. Ils étaient 11 à vivre dans moins d’espace que nous en avions. Les pauvres, c’étaient eux.

Nous devions prendre l’autobus scolaire pour aller à l’école ou marcher une bonne distance pour nous y rendre. Comme notre quartier était mal famé et en dehors du territoire de la ville, nous changions d’école souvent. Les écoles ne voulaient pas des jeunes de la rue Centre. Je suis allé à quatre écoles primaires différentes en sept ans.

Les « batailles » entre les jeunes du quartier étaient fréquentes et j’étais quelquefois impliqué dans celles-ci. Mon frère François m’a dit une fois que, quand je me battais, j’étais comme un enragé. Il avait probablement raison. Je me souviens d’une de ces altercations avec « Ptit Jean » qui avait la réputation d’être un batailleur féroce. Même s’il était plus petit que moi, j’avais peur de lui. Cette peur s’est transformée en rage et j’ai foncé sur lui à toute allure. Je me suis vite retrouvé par terre sur le dos. Ptit Jean s’était servi de la force de mon accélération pour me basculer par terre comme le font les amateurs de judo. Je me souviens d’avoir senti de l’admiration pour ce petit homme qui pouvait faire une chose pareille : au lieu de contrer ma force par la force, il s’était tout simplement servi de son corps comme pivot pour me projeter par terre.

Sans m’en douter à ce moment-là, cet incident a été le début d’un apprentissage qui a duré toute une vie. J’ai lentement appris que la meilleure façon de vaincre un « ennemi » - que cet ennemi soit en face de moi ou en moi - ce n’était pas de le contrer avec une force plus grande, mais de trouver un pivot pour en faire un « ami ». J’ai appris que la blessure est transformée en guérison par le pardon; qu’un cœur plein de peur s’ouvre à l’accueil s'il accepte de faire un pas de confiance; que la faiblesse devient force de vie quand elle est enveloppée de compassion…    

"Les ténèbres ne peuvent pas chasser les ténèbres; seule la lumière peut faire cela. La haine ne peut pas chasser la haine; seul l'amour peut faire cela." - Martin Luther King Jr.

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